Introduction et but de l'étude : Afin de limiter l’augmentation des températures autour de 2°C, les systèmes agroalimentaires devront réduire massivement leurs émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique. De nombreuses solutions techniques émergent cependant elles ne pourront suffire sans que les régimes alimentaires soient modifiés. Plusieurs études ont modélisé ou observé des régimes capables de nourrir adéquatement la population tout en limitant leurs impacts sur l’environnement. Cependant, des éléments de compréhension, comme la distinction entre les systèmes de production ou une appréciation de l’acceptabilité, manquent.
Notre objectif est de décrire des régimes observés dans un large échantillon de volontaires émettant peu de gaz à effet de serre, puis de comparer leurs performances nutritionnelles, environnementales et d’accessibilité économique avec celles de régimes émettant plus de gaz à effet de serre.
Matériel et méthodes : Les consommations alimentaires moyennes de 34 193 adultes français ont été évaluées grâce à un questionnaire semi-quantitatif de fréquence pour 264 items. Des scores nutritionnels ont été estimés. Nous avons évalué les émissions de gaz à effet de serre, l’occupation des sols et l’énergie nécessaire pour produire les régimes des participants, grâce à des analyses de cycle de vie des produits agricoles bruts et ce en distinguant les modes de production (biologique ou conventionnel). Enfin, nous avons mesuré le coût monétaire de chacun des régimes.
Des ANCOVA nous ont permis de comparer la composition des régimes et leurs performances sur des critères de durabilité des régimes classés par quintile redressée sur des caractéristiques sociodémographiques en fonction de leurs niveaux d’émissions.
Résultats et analyses statistiques : Les régimes alimentaires émettant le plus de gaz à effet de serre (Q5 : entre 2318 et 4099 kgCO2eq/an) contiennent plus d’aliments d’origine animale et sont plus caloriques. Peu de différences dans les quantités d’aliments gras et sucrés ou boissons alcoolisées ont été observées entre quintile. Les régimes à faibles émissions (Q1) présentent une bonne qualité nutritionnelle. La demande en énergie et l’occupation des sols augmentent avec le niveau d’émissions de gaz à effet de serre (de Q1 : 3978 MJ/an (95 % IC = 3958-3997) à Q5 : 8980 MJ/an (95 % IC = 8924-9036) et de Q1 :1693m2/an (95 % IC = 1683-1702) à Q5 : 7199m2/an (95 % IC = 7139-7238) respectivement). Les volontaires dont le régime émet le moins de gaz à effet de serre sont ceux qui ont la plus forte contribution d’aliments biologiques. Les prix de ces régimes sont les plus bas, même après un ajustement sur l’énergie consommé (de Q1 : 6,89 €/j (95 % IC = 6,84-6,93) à Q5 : 7,68 €/j (95 % IC = 7,62-7,74)).
Conclusion : Cette étude basée sur l’observation de régimes fournie de nouveaux arguments chiffrés sur leurs capacités à limiter le changement climatique, à un prix acceptable et en assurant une bonne qualité nutritionnelle. Toutefois, l’acceptabilité de ce type de régime par une large part de la population demeure un enjeu.
Ces travaux ont été publiés dans la revue Climatic Change :
Seconda L, Baudry J, Allès B, Boizot-Szantai C, Soler LG, Galan P, Hercberg S, Langevin B, Lairon L, Pointereau P, Kesse-Guyot E. Comparing nutritional, economic, and environmental performances of diets according to their levels of greenhouse gas emissions. Climatic Change, 2018 may; 148(1-2), pages 155-172.
Ils ont été présentés en 2017 lors des Journées Francophones de Nutrition à Nantes et au 21ème Congrès International de Nutrition à Buenos Aeres.
- Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire