Profils de mangeurs bio et conventionnel
Contexte et objectifs
En France, les consommateurs qui se tournent vers le bio sont de plus en plus nombreux. Le marché de la consommation de bio à domicile a ainsi augmenté de 10 % en 2015 par rapport à 2014. Ce marché se caractérise par la diversité de ses circuits de distribution avec une offre toujours plus variée (Agence Bio 2016) et des pratiques alimentaires des consommateurs qui se diversifient. Toutefois, il existe peu de données détaillées sur les profils des consommateurs de bio et conventionnel (c’est-à-dire non-bio). Par ailleurs, les deux dimensions, mode de production et structure de la diète (les groupes d’aliments consommés) n’ont jamais été prises en compte simultanément dans les études caractérisant les profils des consommateurs.
Julia Baudry (Doctorante) et le Dr Emmanuelle Kesse-Guyot (Directrice de recherche INRA) ont établi une typologie de mangeurs bio et conventionnel. La réalisation d'une analyse typologique se basant sur la consommation d’aliments en bio et en conventionnel chez 28 245 individus de l’étude NutriNet-Santé a mis en évidence une diversité de profils des consommateurs tant sur le plan nutritionnel que sur les modes de production. Ces différents profils de consommateurs sont par ailleurs marqués par des différences sur le plan des caractéristiques sociodémographiques, du mode de vie et des pratiques d’achat.
Les cinq groupes identifiés sont les suivants :
- Les Conventionnels/Non bio Standard – 39.0 % de l’échantillon d’étude
Il s’agit de petits mangeurs qui consomment peu bio et dont les habitudes alimentaires sont classiques/standards. La qualité nutritionnelle de leur régime est moyenne et ils présentent les plus fortes prévalences d’inadéquation (fréquence d’apport en micronutriments inadéquat) pour la plupart des nutriments excepté la vitamine B12 et le calcium. Ce sont les individus les plus jeunes et les plus urbains. Ils s’approvisionnent principalement dans les supermarchés et dans une moindre mesure chez les artisans (boulanger, poissonier, boucher).
- Les Conventionnels/Non bio Gros mangeurs - 20.6 %
Un deuxième groupe de consommateurs a été caractérisé comme le groupe de bons mangeurs, qui consomment peu bio, ayant un apport énergétique élevé et une alimentation plutôt déséquilibrée. Ils présentent une faible qualité nutritionnelle de la diète avec de forts apports en choléstérol et acides gras saturés. En raison de leur apport calorique élevé, ces individus ont de faibles prévalences d’inadéquation excepté pour certains nutriments contenus essentiellement dans les fruits et légumes comme les vitamines B9, C, E mais également le magnésium et le fer. Il s’agit du groupe avec le plus fort pourcentage d’individus avec de faibles revenus et avec un niveau d’éducation faible. Ce sont les individus qui déclarent le plus fréquemment s’approvisionner dans les hard discounts.
- Les Bio Standard - 24.8 %
Un troisième groupe ou « cluster » d’individus peut être interprété comme celui des consommateurs dits de bio classiques. Il s’agit du pendant bio des Conventionnels Standard. La proportion de produits bio dans leur alimentation est élevée, leur apport énergétique relativement faible et la qualité de leur diète assez élevée, avec une prévalence d’inadéquation intermédiaire. Il s’agit du groupe qui présente le plus faible pourcentage d’hommes. Ils s’approvisionnent le plus souvent dans les supermarchés puis dans les magasins bio spécialisés.
- Les Bio Green - 10.8 %
Un quatrième groupe peut être interprété comme celui des mangeurs dits bio green car leur alimentation est principalement basée sur des produits bio et est particulièrement végétalisée avec une forte proportion de végétariens/végétaliens par exemple (14 %). La qualité nutritionnelle de leur diète est très élevée avec de forts apports en vitamines B9, C et E, magnésium et fer. Néanmoins, ils présentent une forte prévalence d’inadéquation en vitamine B12. Il s’agit du groupe avec la plus grande proportion d’individus ayant un niveau d’éducation élevé et vivant dans des zones rurales. Ils favorisent les magasins bio spécialisés et les circuits courts comme lieux d’approvisionnement et sont les plus fréquents à déclarer des pratiques de réduction de consommation d’énergie ou de déchets.
- Les Hédonistes mangeurs de bio modérés - 4.8 %
Enfin un dernier groupe peut être considéré comme celui des hédonistes mangeurs de bio modérés. Ils aparaissent comme de “bons vivants” avec une diète plutôt traditionnelle riche en viande et une consommation d’alcool élevée. Leur consommation de produits bio est intermédiaire et la qualité nutritionnelle de leur diète est basse. Ce groupe comprend un nombre important d’hommes, d’individus avec des revenus élevés et de fumeurs. Bien que ces individus réalisent la plupart de leurs achats alimentaires en supermarchés ils réalisent également fréquemment leur achats chez les artisans.
Ces résultats ont mis en évidence une diversité de profils des consommateurs de bio et de conventionnel. Les futures études sur l’impact potentiel d’un régime bio sur la santé devront donc s’attacher à ne pas réduire les consommateurs bio et conventionnel à deux groupes monolithiques et considérer toutes les dimensions de l’alimentation. Les effets à long terme sur l’état nutritionnel et le rôle protecteur ou délétère à l’égard de maladies chroniques de la consommation de bio sont étudiés dans le cadre du projet BioNutriNet durant le suivi de cette cohorte qui devrait durer encore au moins 5 ans en prenant en compte toutes les dimensions de l’alimentation (mode de production, aliments consommés etc.).
Ces travaux ont donné lieu à la réalisation d'une WEB-BD par l'association Bioconsomacteurs : https://www.bioconsomacteurs.org/bio/voir-lire/livre/qui-sont-les-mangeurs-bio
Ces travaux ont été publiés dans la revue Climatic Change :
Baudry J, Touvier M, Allès B, Péneau S, Méjean C, Galan P, Hercberg S, Lairon D, Kesse-Guyot E. Typology of eaters based on conventional and organic food consumption: results from the NutriNet-Santé cohort study. British Journal of Nutrition, 2016 aug; 116(4), pages 700-709.
Financement : Financement Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du Programme de Recherche Systèmes Alimentaires Durables.
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